Production électrique : améliorer rapidement la situation en misant sur les STEP

Article paru dans le journal La Tribune

 

Le système électrique européen frôle la catastrophe. La mesure prise pour éviter l’effondrement est un appel désespéré du gouvernement à la sobriété. La gestion de crise passe donc par l’évitement, c’est à dire par l’organisation de la pénurie.

La chute de la consommation électrique de 10% n’est pas une bonne nouvelle car elle signifie que de nombreuses entreprises renoncent à produire avec les prix actuels de l’énergie électrique…La crise de l’énergie semble donc être en passe d’entrainer une crise économique. 

 

L’augmentation substantielle des prix de l’électricité résulte en partie du déséquilibre entre l’offre et la demande consécutive aux choix politiques idéologiques qui ont été faits ces dernières années en matière de production d’énergie.

Les investissements dans le solaire et l’éolien, s’ils permettent de décarboner partiellement l’électricité lorsqu’ils remplacent la production des centrales fossiles n’assurent aucunement la sécurité d’approvisionnement d’un pays. Ce qui permet la sécurité d’approvisionnement d’un pays, ce sont les capacités pilotables qui permettent de faire face aux pics de consommation.

Les capacités pilotables sont les productions d’électricité d’origine nucléaire, hydrauliques et thermiques…L’évolution des conditions géopolitiques rendant bien entendu souhaitable de diminuer au maximum, et le plus rapidement possible, la production des centrales thermiques afin de limiter notre dépendance aux hydrocarbures importés.

Les partisans d’un fort développement des renouvelables intermittents (solaire et éolien), souvent animés de bonnes intentions et séduits par l’aspect « romantique » de ces productions, l’idée de pouvoir assurer nos besoins énergétiques par la lumière du soleil et la force du vent étant puissamment évocatrice, ont longtemps minimisé le problème de l’intermittence en invoquant une capacité de lissage de ces productions au niveau européen liée à l’interconnexion du réseau…Si la production éolienne est quasi nulle en France, peut être sera t’elle abondante en Allemagne ?

Malheureusement, l’expérience acquise ces dernières années est venue doucher cet espoir. Pour le solaire, les cycles jour/nuit sont partout les mêmes et les productions éoliennes sont globalement synchronisées partout en Europe…Particulièrement l’hiver en conditions anticycloniques, synonymes de grands froids et donc de pic de consommation, il n’y a alors de vent nulle part en Europe et donc quasiment aucune production électrique éolienne.

Le gouvernement semble revenir à un certain pragmatisme et chercher à augmenter les capacités de production électrique pilotables et décarbonées Françaises en annonçant la construction de six nouveaux réacteurs EPR. 

Malheureusement, le délai de construction d’un tel réacteur est estimé à quinze ans…Nos entreprises et notre économie ne tiendront pas quinze années avec une telle volatilité sur les prix  et une telle incertitude sur leurs approvisionnements énergétiques.

Pour augmenter rapidement notre production d’énergie électrique pilotable, une solution élégante consisterait à pallier l’intermittence des productions éoliennes et solaires en développant des capacités de stockage de ces productions afin de pouvoir les restituer lors des pics de consommation.

Concrètement, pour stocker de l’électricité à grande échelle, il n’existe actuellement que deux dispositifs : Les stations de pompage/turbinage (STEP) et les batteries lithium-ion.

Les batteries ont longtemps suscité beaucoup d’espoir mais la demande accrue de lithium couplée à la rareté de cet élément (sans parler de la pollution générée par son extraction) tirent les prix vers le haut et rendent la solution du stockage par batteries très onéreuse. Le monopole de fait de la production de ces batteries par la chine crée une dépendance géopolitique plus dangereuse encore.

La STEP a fait ses preuves dans plusieurs pays européens dont la France. Elle est constituée de deux réservoirs qui doivent posséder une différence d’altitude de 350 mètre au minimum. En cas de pic de production, l’électricité alimente une pompe qui fait passer l’eau du réservoir bas vers le réservoir haut transformant ainsi l’énergie électrique en énergie de position. Quand un besoin d’électricité apparait, l’eau passe du réservoir haut vers le réservoir bas en entrainant un ensemble constitué d’une turbine et d’un alternateur qui transforment l’énergie de position en énergie électrique. Le cycle complet s’effectue avec un rendement remarquable de 80%. La STEP peut fonctionner en circuit fermé et n’est donc pas impactée par les sécheresses exceptionnelles.

Notre pays bénéficie d’une géographie exceptionnellement favorable pour l’installation de STEP ou de micro-STEP. Jusqu’à présent les STEP Françaises ont été utilisées pour assurer la flexibilité du parc nucléaire, l’apparition des productions d’électricité intermittentes (ENR) décuple leur intérêt. Les STEP sont le complément idéal des ENR. Le couple ENR/STEP fourni une électricité décarbonée, pilotable et compétitive par rapport au nucléaire. Une micro-STEP peut être construite en cinq ans tout en s’intégrant parfaitement dans les paysages. Les stations de sports d’hivers sont particulièrement adaptées pour installer ce type de dispositifs, la micro-STEP peut être enterrée sous une piste de ski de façon à être totalement invisible…Cette solution pourrait permettre de procurer des revenus complémentaires aux 350 stations de sports d’hiver Françaises durement touchées par le changement climatique tout en évitant les résistances puisqu’il s’agit ici d’un aménagement invisible et qui peut procurer un complément de revenus aux populations locales.

Actuellement en France, nous avons 5000 MW de STEP installées et le potentiel de notre pays est de 45000 MW au minimum.

Développer des STEP est une affaire rentable économiquement, nos voisins Suisses et Norvégiens gagnent énormément d’argent grâce à leurs installations. L’exemple du Danemark est à ce titre instructif :

Le Danemark a lourdement investi dans l’éolien offshore. Le pays étant plat, la construction de STEP n’était pas possible.La géographie de la Norvège étant favorable à la construction de STEP, un accord a été trouvé. En cas de coup de vent, la surproduction éolienne Danoise est vendue à la Norvège qui la stocke grâce aux STEP. Quand la situation s’inverse, la Norvège produit de l’électricité en turbinant l’eau précédemment remontée et la vend au Danemark. Cet accord semble parfait sur le papier mais un détail capital a été omis par le gouvernement Danois : Le prix de l’électricité fluctue en fonction de l’offre et de la demande… Ainsi quand le Danemark est en surproduction, les prix de l’électricité sont bas et le Danemark vend donc son électricité aux Norvégiens à un prix dérisoire…Pour la racheter ensuite aux norvégiens au prix fort !

Construire des STEP peut donc s’avérer être une affaire rentable, pour ne pas dire juteuse, pour notre pays…À condition d’avoir l’audace de simplifier les procédures bureaucratiques pour raccourcir les délais.

Notre pays a un potentiel exceptionnel, largement inexploité, pour tirer parti de la nécessité écologique et géopolitique de décarboner l’économie en limitant notre dépendance aux hydrocarbures.

Il n’est pas question d’avoir à choisir entre le nucléaire ou les ENR car décarboner entièrement notre économie  signifierait doubler voire tripler la production actuelle d’électricité car les importations d’hydrocarbures participent actuellement à la moitié de l’approvisionnement en énergie primaire de notre pays, l’augmentation prévisible de la population Française (+ 7% en 2035) et les relocalisations d’entreprises devraient accroitre les besoins d’énergie primaire de notre pays..

Pour atteindre nos objectifs climatiques et assurer notre autonomie et notre résilience énergétique, nous devons développer simultanément un parc nucléaire rénové et des STEP pour lisser et rendre pilotables les productions d’énergies intermittentes déjà installées tout en limitant le recours aux centrales thermiques.