Adapter l’utilisation de la ressource en eau : Une urgence pour l’agriculture

La filière agricole est prise en tenaille entre d’une part, un changement climatique qui est désormais incontestable et d’autre part le besoin d’augmenter la production pour pouvoir nourrir la population mondiale qui vient de dépasser les 8 milliards d’individus et qui augmentera encore de 2 milliards supplémentaires dans les tentes années qui viennent.

Le changement climatique que nous constatons ne signifie pas forcément moins de pluies mais des pluies réparties différemment au cours de l’année. Les projections scientifiques montrent que les sécheresses estivales comme celle que nous subissons actuellement seront probablement plus fréquentes à l’avenir.

Les techniques classiques d’irrigation ne fonctionneront plus à l’avenir avec des rivières dont le débit estival sera très bas. Une adaptation d’urgence est indispensable.

Économiser la ressource au maximum

Alors qu’une centaine de villages Français ont été privés d’eau potable l’été dernier, une évidence s’impose…Cette ressource est rare et ne devrait pas être utilisée pour l’irrigation des cultures.

De nombreuses techniques mises au point dans des pays au climat sec (Israel, sud de l’Europe)  comme la micro-irrigation et l’utilisation de goutte à goutte permettent des économies substantielles. L’adaptation des pratiques culturales (couverts végétaux et enherbage) permettent elles aussi de protéger les sols et de limiter leur dessèchement. 

En Europe, plus de 40000 millions de m3 d’eau usées sont traitées chaque années et seulement 964 millions de m3 sont réutilisé, notamment pour des usages agricoles. Notre pays ne réutilise que 7,7 millions de m3, le reste étant rejeté dans les cours d’eau. Des pays comme Israel, l’Australie ou Singapour réutilisent massivement cette ressource, il est urgent des les imiter.

Mais ces techniques ne suffiront pas pour assurer les besoins en eau de l’agriculture dans le futur : Stocker la ressource quand elle abonde pour l’utiliser quand elle est rare est indispensable, il en va de la résilience de notre agriculture et de notre sécurité alimentaire.

Simplifier pour adapter

La création de réservoirs d’eau est un véritable casse tête pour les agriculteurs tant les entraves administratives sont nombreuses, s’y ajoute l’hostilité de certains militants écologistes radicaux pouvant aller jusqu’a des actes de vandalisme comme cela s’est produit dernièrement en Vendée. Cette hostilité est paradoxale car le stockage de l’eau dans des réservoirs est plutôt une bonne solution pour l’environnement car cela permet d’éviter les prélèvements d’eau dans les rivières en période d’étiage et donc d’augmenter leur débit.

Les reproches qui sont adressés aux « bassines » géantes qui permettent aux agriculteurs de stocker l’eau sont variés. Ils concernent l’esthétique, l’évaporation qui gaspille une partie de la ressource et surtout le pompage d’eau dans les nappes phréatiques permettant de remplir ces dites bassines.

Une posture écologiquement responsable et pragmatique doit permettre de trouver des compromis acceptables par tous.

Un stockage d’eau innovant

Une invention Française récompensée par le concours Lépine en 2011 peut constituer un compromis acceptable par tous. Il s’agit du réservoir d’eau enterré plein de sable (REEPS) inventé  et breveté par l’ingénieur Thierry Labrosse. Ce système constitue une sorte de nappe phréatique artificielle. Il est déjà largement déployé à Madagascar et y a fait ses preuves.

Son principe est simple : Une fosse est tapissée d’une bâche étanche, du sable ou de la pouzzolane (roche volcanique) est utilisée pour remplir la fosse. Le REEPS peut ensuite être recouvert de terre afin d’être invisible et bien intégré dans le paysage, des conduits pour le remplissage et pour le pompage de l’eau sont installés.

Les avantages sont nombreux car l’eau stockée dans le REEPS ne peut pas s’évaporer ni être souillée, l’eau est stockée dans les interstices entre les grains de sables (38% du volume total), le sable filtre l’eau dont la qualité est par conséquent améliorée. Ce système est parfaitement capable de stocker de l’eau sur une longue période, il peut donc être rempli en hiver et au printemps lors des crues des rivières, diminuant ainsi les risques d’inondations, Il peut aussi se remplir avec des eaux usées traitées qui seront filtrées par le sable ou par les eaux de ruissellement. Utilisé de cette manière, le REEPS peut permettre de limiter l’épuisement de la ressource en eau potable des nappes phréatiques et l’assèchement des rivières en été. Cerise sur le gâteau, la construction de ce type de réservoirs est abordable et le vandalisme est improbable puisque tout est enterré et invisible. Chaque exploitation agricole pourrait s’équiper en garantissant ainsi son autonomie en eau d’irrigation.

Le rôle de la puissance publique se trouve probablement là : Favoriser l’implantation de ce type de solutions innovantes, simplifier et raccourcir les procédures, mettre en place les meilleures incitations pour faciliter l’adaptation et l’autonomie quels que soient les scénarios climatiques du futur, décourager les comportements néfastes et la « tragédie des biens communs ».