Diagnostics immobiliers : Une incitation à polluer ?

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) a été mis en place en 2006 avec un double objectif : Fournir un outil performant en terme de maitrise des dépenses d’énergie et de lutte contre le dérèglement climatique.

Ce DPE, qui constitue une dépense obligatoire pour tout achat ou mise en location d’un bien immobilier, est plutôt bien perçu par l’opinion publique largement sensibilisée au défi motivant que constitue la lutte contre le changement climatique.

Le DPE actuel est il vraiment un outil efficace pour le climat ?

Dans l’imaginaire collectif, le DPE permet d’avoir une idée précise de l’énergie qu’il sera nécéssaire de consommer (et donc de payer) pour chauffer un logement…Malheureusement, c’est loin d’être le cas.

L’énergie délivrée dans un logement par le fournisseur d’énergie et payée par les Français est nommée énergie finale, or le DPE est basé sur la notion d’énergie primaire.

L’énergie primaire est l’énergie disponible dans l’environnement et directement exploitable sans transformation. Dans le cas du gaz par exemple, les énergies primaires et finales sont identiques car cette source d’énergie est livrée directement sans subir de transformation, mais dans le cas des combustibles nucléaires les énergies primaires et finales diffèrent car le taux de conversion de l’énergie nucléaire en énergie électrique n’est que de 33% environ…La consommation réelle (finale) d’électricité est donc multipliée par un facteur de 2,30 dans le DPE afin de la convertir en énergie primaire. 

Ce coefficient affecte aussi la mention des émissions de gaz à effet de serre (GES) qui est indiquée sur le DPE. 

Pour calculer ces émissions, l’énergie primaire est d’abord convertie en équivalent pétrole…Ce sont les émissions de l’équivalent pétrole qui sont indiquées sur le DPE. 

Nulle part il n’est fait mention des émissions réelles de GES de l’électricité Française, émissions particulièrement basses grâce à notre production nationale très majoritairement réalisée par des centrales nucléaires et hydroélectriques. L’énergie électrique, largement décarbonée, est donc pénalisée deux fois dans le DPE : Par le coefficient multiplicateur qui ne correspond pas à la réalité de la consommation finale d’énergie et ensuite par des émissions de GES qui sont artificiellement gonflées.

Peut on imaginer plus mauvaise incitation ?

Le DPE actuel est un système ubuesque, dont seule l’administration Française a le secret, qui délivre des informations incompréhensibles et préjudiciables à l’environnement. En l’état actuel des choses, pour améliorer rapidement et à peu de frais le DPE d’un studio utilisant un chauffage électrique, le plus efficace est d’y installer une chaudière à gaz ! C’est littéralement une incitation à polluer…

Le DPE réussit le tour de force de ne pas renseigner efficacement les consommateurs sur leurs factures prévisionnelles d’énergie et d’inciter à l’utilisation du gaz pour le chauffage au détriment de l’électricité alors que l’utilisation du gaz génère sept fois plus d’émissions de GES que l’usage de l’énergie électrique.

La lutte contre le dérèglement climatique étant désormais une priorité nationale et un objectif motivant largement partagé par les Français…Il est temps de faire évoluer le DPE pour en faire un outil efficace qui délivre les bonnes incitations.

Transformer le diagnostic de performance énergétique en diagnostic de performance environnementale

Il est indispensable d’abandonner la référence à l’énergie primaire dans le DPE car elle n’a aucun sens pour les consommateurs, seule l’énergie finale payée par les Français est pertinente et devrait y figurer.

Mais pour envoyer un signal véritablement incitatif et efficace à la hauteur du défi climatique, une réforme paramétrique du DPE ne suffira pas, une réforme systémique est nécéssaire : Le seul critère véritablement déterminant pour le climat, cest la quantité de GES rejetée dans latmosphère pour chauffer un logement. Le  DPE doit donc devenir un indicateur de performance environnementale basé sur les émissions réelles de GES avec une mention indicative de l’énergie finale consommée pour l’information des consommateurs…Cela revient à inverser l’ordre des priorités actuel !

La mise en place de ce DPE rénové constituerait une incitation puissante de nature à développer l’usage des systèmes de chauffage vertueux tels que le solaire thermique, la biomasse, les pompes à chaleur et le chauffage électrique au détriment des énergies fossiles.

Mettre en place cette réforme du DPE permettrait de renforcer la cohérence entre la règlementation et les objectifs affichés par le gouvernement, cela nécessiterait bien entendu de la volonté et de l’audace car de  fortes résistances de la part du très puissant lobby du gaz, très satisfait de la situation actuelle, sont à prévoir…Mais rétablir une concurrence loyale entre les énergies en misant sur une information claire et compréhensible par tous et incitant naturellement à l’abandon progressif de l’usage des énergies fossiles correspond  précisément à l’objectif que nous devons poursuivre pour diminuer rapidement notre impact sur le climat.

Notre pays est dans le trio de tête de la production d’électricité propre en Europe (avec la Suède et la Finlande) c’est un extraordinaire atout. Transformer le DPE peut nous aider à réussir notre transition énergétique en incitant les Français à Électrifier massivement pour décarboner.