L’écologie kidnappée se libérera-t-elle enfin?
« La gauche a kidnappé l’écologie à partir des années 1990 » déclarait récemment le journaliste Hugo Clément en réponse à la violente polémique suscitée par son débat avec Jordan Bardella. La mise au point était salutaire.
En effet, les premiers responsables politiques français à agir concrètement pour la protection de l’environnement furent Charles De Gaulle, Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing avec en particulier la création du ministère de l’environnement, l’instauration du principe du pollueur payeur et la création des parcs naturels régionaux dans les années soixante, suivie lors de la décennie suivante, par les premières actions en faveur de la protection du littoral… Sandrine Rousseau et le parti les Verts n’étaient pas encore nés que les enjeux écologiques avaient déjà été intégrés par une famille politique qui deviendra plus tard leur adversaire.
Le mouvement de l’écologie, de par son appel récurent aux limites, présente un tropisme conservateur… A l’origine, la motivation première des écologistes sincères était de conserver le capital de nature, l’esthétique des paysages ainsi que le patrimoine architectural et traditionnel afin de pouvoir les transmettre aux générations futures. Cet élan était magnifiquement incarné par un programme télévisé très suivi entre 1971 et 1978 intitulé « la France défigurée ».
Ce programme, présenté par Michel Péricard, avait pour objet de lutter contre « la France moche ». La France des panneaux publicitaires, des décharges sauvages et autres constructions inélégantes… Ces préoccupations, très largement partagées par la population, sont bien entendu transpartisannes. Mais, comme le souligne l’historien Philippe Buton, en affirmant dans la revue française d’histoire des idées politiques que « L’écologie n’appartient pas au patrimoine idéologique de la gauche », cette posture plutôt conservatrice est naturellement plus congruente avec un positionnement au centre ou à droite de l’échiquier politique.
L’écologie classée à gauche, une exception française
L’écologie politique, dans les autres pays d’Europe, n’est pas classée à gauche. En Suisse, lors des élections, les verts libéraux sont à 8% au niveau national et passent des accords de gouvernement avec la droite… Cette situation se reproduit en Irlande, en Autriche, en Slovénie et en Lettonie. Huit des Länder allemands sont gouvernés par une coalition entre la droite et les Grünen… Par ailleurs, lorsque les partis écologistes Européens passent des accords avec la « gauche », il s’agit en réalité d’une gauche sociale-démocrate qui ressemble trait pour trait au parti Renaissance en France.
Ces partis écologistes européens formant des coalitions avec le centre et la droite obtiennent régulièrement des scores très honorables aux élections. Ils défendent une politique ordolibérale favorable aux entreprises. Les écologistes allemands et autrichiens viennent d’ailleurs de voter une baisse importante de la fiscalité des PME… Pourrait-on imaginer cela en France ?
Cette déclaration d’amour des écologistes européens à l’égard des entreprises n’est pas sans fondement dans la mesure où il a été maintes fois démontré que la performance environnementale, dans de nombreux domaines, dépendait du niveau de richesse d’un pays… Cela signifie que les entraves bureaucratiques excessives et les impôts dissuasifs sont souvent les ennemis de l’environnement.
Nos voisins savent bien que polluer moins et réussir la transition énergétique est une entreprise qui nécessitera beaucoup d’investissements et d’effort d’adaptation. Dans ce contexte, il est nécessaire de pouvoir compter sur un tissu dense de PME innovantes, à même de créer des richesses et d’inventer de nouvelles voies pour le développement.
Produire mieux !
La relocalisation des industries Européennes est indispensable afin de pouvoir produire tout en respectant les standards environnementaux les plus stricts du monde, de développer plus facilement les circuits courts et de favoriser l’économie circulaire. Ces relocalisations ne seront possibles qu’à la condition de créer un écosystème économique favorable aux entreprises.
Les rapports du GIEC ne parlent pas de décroissance mais du nécessaire découplage entre le développement économique et la dégradation de l’environnement… Il n’est pas question de produire moins mais de produire mieux, en consommant moins de ressources et en rejetant moins de polluants dans la nature.
C’est parfaitement possible et c’est déjà en cours de réalisation en Europe.
Georges Pompidou faisait il y a cinquante ans, lors d’une interview donnée à la revue réalité, une prophétie qui est d’une actualité étonnante : « Je suis de ceux qui pensent que dans cinquante ans la fortune consistera à pouvoir s’offrir la vie du paysan aisé du début du XXe siècle, à bien des égards, c’est-à-dire de l’espace autour de soi, de l’air pur, des œufs frais, des poules élevées avec du grain, etc. On y ajoute des piscines et des automobiles, mais ce n’est pas une modification fondamentale, il reste le besoin d’air, de pureté, de liberté, de silence ».
L’écologie peut être un grand projet motivant qui allie développement humain et respect de l’environnement, réindustrialisation et préservation de la beauté. Un projet commun qui peut nous recentrer sur l’essentiel : Conserver notre art de vivre et offrir à nos enfants la possibilité de vivre bien, durablement.
Loïc Rousselle, membre du bureau politique d’Ecologie au Centre